Allumer un feu
Éduquer ça n’est pas remplir un seau sot, mais allumer un feu
William Butler Yeats
Décortiquer, analyser une situation, un projet. Revenir en arrière pour relire les réussites et les échecs. En extraire les fruits pour mieux les partager. Les prénoms et les noms ont été modifier.
La roue des émotions est un outil développé par l’autrement dit, un organisme belge de soutien à la parentalité et d’éducation à l’empathie. C’est un outil pour aider à conscientiser ce que l’on ressent, à mettre des mots sur les émotions qui correspondent, et surtout à exprimer son ou ses besoins. Très simple d’utilisation, la roue des émotions s’appuie sur les travaux de Carl Rogers et de la CNV (Communication Non Violente).
Au collège, nous l’utilisons pour l’instant comme aide à la médiation des conflits entre élèves quand ils sont importants. Après avoir fait s’exprimer les adolescents sur les faits à l’origine de leur conflit nous distribuons une roue des émotions à chacun d’eux. Celle-ci est composée de trois disques concentriques qui tournent indépendamment les uns des autres. Le premier disque, à l’intérieur, énumère un certain nombre de sensations physiques : je suis tendu, j’en ai plein le dos, j’ai une boule dans la gorge… Le deuxième disque propose une liste précise d’émotions classées en quatre grandes catégories : la joie, la colère, la tristesse et la peur. Le disque extérieur propose des expressions de besoins comme celui de paix, empathie, sincérité, respect, protection… Chacun est invité à choisir sur chacun des disques le mot qui correspond le plus à ce qu’il vit et les placer dans les fenêtres prévues à cet effet.
Cet outil représente une aide précieuse dans l’animation d’une médiation entre élèves.
Donner les mots à chacun pour exprimer ce qu’il ressent. Il n’est pas donné à tout le monde d’exprimer aisément et précisément ce qu’il ressent. C’est encore plus vrai à l’adolescence. C’est une période où l’activité émotionnelle s’emballe facilement sans que les lexiques pour la décrire ne soit encore complètement maîtrisé. La posture de médiateur appelle à n’influencer l’expression d’aucun des protagonistes. C’est une nécessité absolue pour pourvoir ouvrir un espace où chacun est renvoyé à la vérité de ses ressentis et de ceux des autres. Sur un sujet aussi intime, délicat, mouvant et complexe que celui des émotions et des besoins, la roue des émotions permet de donner les mots à chacun pour s’exprimer.
Mettre les adolescents à égalité. La facilité d’expression n’est pas l’aptitude la mieux partagée. Ces écarts se sentent très forts chez les collégiens, entre garçons et filles, entre 6ème et 3ème, entre enfants de cultures familiales différentes… Donner le même stock de mots à chacun met tout le monde à égalité. Prendre du temps pour choisir le mots juste dans chaque disque, c’est aussi se donner les moyens d’expliquer les raisons de ce choix. Cette explication est souvent très importante dans le déroulé de la médiation. Il est fréquent qu’une vérité profonde se révèle dans l’expression de ces précisions. L’outil, utilisé de manière rigoureuse, sert aussi d’appui pour le médiateur. Il l’aide à considérer la parole de chacun avec la même importance, alors que notre penchant naturel peut souvent nous conduire à écouter certains protagonistes comme les agresseurs et les autres comme les victimes.
Aider chacun à mettre à distance ses émotions. Outre la fonction d’aide à l’expression, la roue des émotions traduit symboliquement une mise à distance avec ce qui est ressenti. La roue est devant soi. Les mots et les maux sont devant soi et plus en soi. Il est ainsi plus facile d’en parler. Cette fonction, difficilement perceptible, joue un rôle non négligeable dans les processus personnels et relationnels qui se nouent et se dénouent au cours d’ une médiation.
C’est très sérieux ! Contrairement à ce que l’on pourrait croire spontanément, pas une seule fois cette invitation à utiliser la roue des émotions n’a été prise à la légère par les collégiens. Même dans des situations relationnelles compliquées ou au contraire dans des conflits apparemment insignifiants, ils prennent le temps de choisir les termes les plus justes pour exprimer leurs ressentis et leurs besoins. Ils demandent la définition des mots qu’ils ne comprennent pas et qui peuvent être nombreux. Même les « habitués » des conflits et donc des médiations, mettent tout leur sérieux dans l’opération alors que la surprise et la découverte ne sont plus de la partie. Cette attention, cette rigueur apportées par tous les adolescents, garçons et filles, à qui nous avons fait vivre, depuis un an, une médiation à l’aide de la roue des émotions, valident à mes yeux cette démarche d’expression réciproque des ressentis dans un cadre sécurisé.
La suite de l’exploration…
Les étapes d’une médiation, l’éducation à l’empathie, articuler autorité et médiation…
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Pendant le séjour dans les Landes on s’en est pris à Alex, un garçon de la classe. On est plusieurs à s’être moqués de lui sur Whatsapp.
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Très bel outil en effet ! Pour des animations plus longues, il existe aussi le très bon jeu Feelings pour parler de ses émotions.
http://www.feelings.fr
Présentation du jeu Feelings en vidéo
https://www.youtube.com/watch?v=8SffAR-YVhs
Philippe, as-tu une photo de ta roue des émotions ? Est-ce que tu as fait un choix de mots adapté à l’âge que tu cibles dans ton article ?
Bonjour Véronique, la liste des mots est très complète et même si certains termes appellent à des explications cet outil est très adapté à l’âge des collégiens. Pas de photo complète sous la main.
Bonjour Philippe,
Je voudrais faire entrer la CNV et former les élèves de mon collège à la médiation CNV mais personnellement, je n’ai pas encore suffisamment compétences et aimerait savoir si vous avez fait cette initiation vous-même ou si des formateurs sont venus ? Auriez-vous des tuyaux ou des pistes ? En vous remerciant de votre aide…
Bonjour Nathalie,
Personnellement, j’ai été très peu formé à la CNV et pas du tout à la mediation. Les lectures sont ma plus grande source. La CPE du collège a suivi une formation de 2 x 4 jours à la CNV avec l’ACNV. Cela nous a beaucoup apporté. Nous nous posons les mêmes questions que vous pour la formation des élèves à la médiation, assurer en interne ou faire venir une association. Nous penchons pour la seconde.