Allumer un feu

Éduquer ça n’est pas remplir un seau sot, mais allumer un feu

William Butler Yeats

Les confidences de Théo

par | 5 Mar 2016

Se glisser dans la peau d’un élève, d’un parent, d’un enseignant, d’un salarié du collège. Une situation vécue de son point de vue. Une narration fictive mais écrite à partir de faits et de témoignages réels. Les prénoms et le noms ont été modifiés.

Juste après être sorti du bureau du directeur, Théo vient dans mon bureau. Je suis très étonnée, je ne m’y attends pas. Il s’assoit et commence à m’expliquer qu’il a été convoqué dans le bureau du directeur suite au bras de Juan-José qu’il avait cassé dans une bagarre. Je sens qu’il a besoin de parler et de raconter ce qu’il a sur le cœur. Je m’arrête de travailler et je l’écoute.
Je lui demande si ça c’est bien passé. Il me répond « oui » avec un grand sourire.
Suite à son conseil de discipline Théo a été exclu une semaine pour avoir cassé le bras de Juan-José lors d’une altercation dans la cour. Il me dit qu’il avait été convoqué avec Juan-José qui n’était revenu qu’aujourd’hui au collège à cause de sa blessure, « On était tous les deux, la responsable de la vie scolaire et le directeur » me précise t-il. Il m’explique en détail comment ça s’est passé : « On a commencé à donner notre version des faits. On devait redire ce que l’autre avait dit à chaque fois pour voir si on avait bien compris, et c’est seulement après qu’on pouvait dire si on était d’accord ou pas. Juan-José a dit que je lui avais donné un coup de poing avant de le faire tomber par terre. Mais moi je n’étais pas d’accord. »

Il continue à me raconter : « on a ensuite dit comment on se sentait pendant et après la bagarre. On a utilisé un truc avec une roue pour dire comment on se sentait ». Je lui demande « la roue des émotions ? » Il me répond « oui, oui, c’est ça !! » Il continue « Juan-José, a dit qu’il était angoissé, qu’il avait peur de la violence, et maintenant peur de moi. Il avait besoin de sincérité aussi. Ça voulait dire qu’il avait besoin que je reconnaisse que je lui avais donné un coup de poing.

Les confidences de Théo

Moi j’ai dit que j’étais mal aussi. J’avais peur des conséquences de sa blessure pour Juan-José. Et que j’en avais marre parce que les autres m’appellent depuis casse-bras et ne veulent plus jouer avec moi. » Théo m’explique avoir reconnu qu’il avait poussé violemment Juan-José et que certainement celui-ci avait pu prendre ça pour un coup de poing. « A un moment, la responsable de la vie scolaire, elle a dit que ce je disais c’était important. Elle a aimé comment je le disais. » Je lui ai dit que c’était bien et lui ai demandé s’il était content de la manière dont les choses avaient avancé. Dans un large sourire il me répond que Juan-José avait moins peur de lui maintenant et que ça le soulageait. « J’ai demandé pardon à Juan-José. Même s’il ne me pardonne pas de suite, je suis quand même soulagé. » Je lui renvoie qu’il a l’air d’être libéré. Il me dit « c’est ça ! ». Je le sens beaucoup plus serein, détendu, un poids en moins.
Il me demande jusqu’à quand je suis ici. Etonnée, je lui réponds que je suis là encore quelques semaines, jusqu’au retour du congé maternité de la secrétaire. Il me lâche « C’est bon alors, on pourra avoir d’autres conversations comme ça ! »
Ça me fait plaisir de voir qu’il a confiance en moi et qu’il vient se livrer spontanément sur un sujet aussi sensible pour lui.

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